L’intelligence artificielle générale (IAG) représente le prochain horizon dans l’évolution technologique de l’humanité. Contrairement à l’intelligence artificielle étroite ou spécialisée que nous utilisons aujourd’hui, l’IAG désigne des systèmes capables de comprendre, d’apprendre et d’appliquer des connaissances à travers un large éventail de domaines, à l’instar de l’intelligence humaine.

Les systèmes d’IAG théoriques possèderaient la capacité d’apprendre de façon autonome, de raisonner abstraitement, de planifier à long terme et de s’adapter à des situations inédites sans programmation spécifique. Cette polyvalence cognitive constitue le Saint Graal de la recherche en intelligence artificielle, promettant des machines capables non seulement d’accomplir des tâches spécifiques, mais de comprendre le monde dans sa complexité.

L’état actuel de la recherche en Intelligence artificielle générale

Contrairement aux représentations hollywoodiennes, l’IAG n’existe pas encore. Les systèmes actuels, bien qu’impressionnants, restent des IA étroites, conçues pour exceller dans des domaines spécifiques. Les modèles de langage comme GPT-4 ou Claude, malgré leurs capacités remarquables, ne possèdent pas de véritable compréhension du monde ou de conscience.

Demis Hassabis, cofondateur et PDG de DeepMind, a récemment déclaré : « Nous progressons rapidement, mais construire une IAG est un défi multidimensionnel qui requiert des avancées non seulement en apprentissage automatique, mais aussi en neurosciences, en psychologie cognitive et en philosophie de l’esprit. Nous sommes encore loin d’une compréhension unifiée de l’intelligence. »

Les recherches actuelles se concentrent sur plusieurs axes prometteurs :

1. L’apprentissage par renforcement : Permettant aux systèmes d’apprendre par essais et erreurs, cette approche a connu des succès notables avec AlphaGo et ses successeurs.
2. Les architectures neuronales hybrides : Combinant différentes techniques pour créer des systèmes plus flexibles et adaptatifs.
3. L’apprentissage auto-supervisé : Permettant aux systèmes d’apprendre sans nécessiter d’annotations humaines massives.
4. Le raisonnement causal : Visant à doter les IA de la capacité à comprendre les relations de cause à effet, essentielle à la pensée abstraite.

Les défis techniques persistants

Le chemin vers l’IAG reste semé d’obstacles majeurs. Parmi les défis les plus significatifs figure le problème de la généralisation. Les systèmes actuels peinent à transférer efficacement les connaissances d’un domaine à un autre, une capacité pourtant fondamentale de l’intelligence humaine.

Yoshua Bengio, lauréat du prix Turing et directeur du MILA, souligne : « Le défi majeur pour atteindre l’IAG réside dans notre capacité à créer des systèmes qui comprennent réellement le monde plutôt que d’exploiter des corrélations statistiques. Nous devons développer des architectures capables d’abstraction et de raisonnement symbolique. »

D’autres obstacles incluent :

• Le raisonnement de sens commun : La capacité intuitive de comprendre le monde quotidien reste extraordinairement difficile à modéliser.
• La conscience de soi : Les débats persistent sur la nécessité de la conscience pour une véritable intelligence.
• La robustesse et l’adaptabilité : Les systèmes actuels restent fragiles face aux environnements changeants.
• L’efficacité énergétique : Le cerveau humain consomme environ 20 watts, tandis que les systèmes d’IA actuels nécessitent des ressources énergétiques considérables.

L’horizon temporel : quand atteindrons-nous l’Intelligence artificielle générale ?

Les prédictions concernant l’avènement de l’IAG varient considérablement parmi les experts. Certains, comme Ray Kurzweil, prévoient une IAG fonctionnelle d’ici 2029, tandis que d’autres estiment cette échéance beaucoup plus lointaine.

Sam Altman, PDG d’OpenAI, a récemment tempéré les attentes : « Malgré les progrès remarquables des modèles de langage, nous sommes encore loin d’une IAG. Les capacités actuelles, bien qu’impressionnantes, ne constituent pas une véritable intelligence générale. Le chemin sera plus long et plus complexe que beaucoup ne l’imaginent. »

Cette incertitude reflète la nature fondamentalement exploratoire de la recherche en IAG. Nous progressons dans un territoire largement inconnu, sans feuille de route précise.

Les implications sociétales et éthiques

L’avènement potentiel de l’IAG soulève des questions fondamentales pour l’humanité. Une intelligence artificielle véritablement générale pourrait transformer radicalement tous les secteurs de l’activité humaine, de la recherche scientifique à l’organisation économique.

Stuart Russell, professeur à Berkeley et auteur de « Human Compatible« , avertit : « Créer une intelligence supérieure à celle de l’homme pourrait être la dernière invention que l’humanité aura besoin de faire, à condition que nous résolvions correctement le problème de l’alignement. Nous devons nous assurer que ces systèmes adoptent nos objectifs et nos valeurs. »

Les préoccupations majeures incluent :

• Le contrôle et la sécurité : Comment garantir que des systèmes potentiellement plus intelligents que nous resteront alignés sur les intérêts humains ?
• L’impact économique : Une automatisation généralisée pourrait transformer fondamentalement le marché du travail.
• La concentration du pouvoir : Les organisations contrôlant l’IAG pourraient acquérir un avantage stratégique sans précédent.
• L’identité humaine : Que signifiera être humain dans un monde partageant l’intelligence avec des entités artificielles ?

La gouvernance internationale de l’IAG

Face aux enjeux considérables, la nécessité d’une gouvernance internationale de l’IAG fait consensus. En 2023, la Déclaration de Bletchley Park a marqué une étape importante, réunissant 28 pays et l’Union européenne autour de la nécessité de développer l’IA de manière sûre et responsable.

António Guterres, Secrétaire général des Nations Unies, a plaidé pour « un cadre international garantissant que l’intelligence artificielle générale sera développée au bénéfice de toute l’humanité, pas seulement des quelques entités technologiquement avancées. »

Cette gouvernance devra équilibrer la promotion de l’innovation et la gestion prudente des risques potentiels, tout en garantissant une distribution équitable des bénéfices de l’IAG.

L’IAG, un horizon qui redéfinit l’humanité

L’intelligence artificielle générale représente bien plus qu’une simple avancée technologique – elle constitue potentiellement un tournant civilisationnel. Si nous parvenons à développer des systèmes possédant une intelligence véritablement générale, nous aurons créé pour la première fois des entités capables de nous égaler ou de nous dépasser dans notre caractéristique la plus distinctive : notre capacité à penser.

Ce futur n’est ni inévitable ni imminent, mais sa possibilité nous invite à une réflexion profonde. L’IAG pourrait devenir notre plus puissant outil pour résoudre les défis majeurs de notre époque, de la crise climatique aux maladies incurables. Elle pourrait également présenter des risques existentiels si elle n’est pas développée avec sagesse.

Comme l’a formulé Fei-Fei Li, codirectrice de l’Institut d’IA centrée sur l’humain de Stanford : « La question n’est pas de savoir si nous pouvons créer une IAG, mais quelle sorte d’IAG nous voulons créer, et pour quel monde. »

L’avenir de l’intelligence artificielle générale reste à écrire, et c’est à nous qu’il appartient d’en façonner le récit.